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Au centre d’Eden

Ce billet est le deuxième d’une série de trois sur la manière cont Léon Chestov considère les relations entre la philosophie et le christianisme. Le premier est ici.


Pour Léon Chestov, la critique de la raison la plus radicale ne se trouve pas dans la Critique de la raison pure de Kant, mais dans la Bible, au livre de la Genèse. Suivons-le donc dans le deuxième lieu clé de sa pensée.

Jan Brueghel l’Ancien et Peter Paul Rubens, Le Jardin d’Eden et la chute de l’homme. Mauritshuis, The Hague. Wikimedia

Rappelons qu’au milieu du jardin d’Éden poussent deux arbres tout à fait particuliers, spécialement désignés: l’arbre de vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Genèse 2.9). Le second fait l’objet d’un interdit assorti d’une mise en garde:

L’Éternel Dieu donna ce commandement à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

Genèse 2.16-17

Armés de notre bonne grosse psychologie, nous nous disons que si Dieu avait voulu faire exprès de donner envie à l’homme de transgresser son commandement, il ne s’y serait pas pris autrement, et que le serpent a eu ensuite partie facile pour convaincre le premier homme et la première femme de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Mais là n’est pas le point. C’est la présence simultanée de ces deux arbres qui constitue la critique la plus radicale de la connaissance et de la raison. La fameuse «pomme», c’est le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, qu’Adam et Ève consomment, après quoi «leurs yeux s’ouvrirent» (Genèse 3.7). Prenant alors conscience de leur nudité, ils cherchent à rattraper la situation par divers artifices: ils se cachent et se fabriquent des vêtements de feuilles. Mais cela ne suffit pas. Connaissant effectivement le bien et le mal, éprouvant aussi leur insuffisance et leur solitude par rapport à ce savoir trop grand qui tombe sur eux et par lequel ils se sentent condamnés, voilà que Dieu les chasse hors d’Éden et poste,

à l’est du jardin d’Éden, les chérubins et la flamme de l’épée qui tournoie, pour garder le chemin de l’arbre de vie

Genèse 3.22

afin d’éviter qu’ils ne mangent de l’arbre de vie et ne vivent éternellement (Genèse 3.23). N’y voyons pas un mouvement de jalousie qui viserait à empêcher que l’homme accède à la vie éternelle, mais une mesure de précaution ménageant la possibilité d’une autre histoire que celle dans laquelle Adam et Ève se sont engagés, comme si la solution la moins tragique était encore qu’ils meurent, après quoi la Bible raconte ce que Dieu a fait pour essayer de rattraper la situation et sauver l’humanité.

La connaissance est-elle mortelle ?
Soulignons que le texte de la Genèse parle de la connaissance du bien et du mal, au moyen de laquelle l’homme a choisi de devenir autonome en fixant pour lui-même des normes choisies par lui-même. En cela consiste sa liberté si chère et si chérie. C’est l’acte de naissance de l’éthique ou de la morale, comme on voudra : les deux termes sont équivalents.

L’homme est devenu “comme l’un de nous pour la connaissance du bien et du mal”

Genèse 3.22

dit Dieu, capable de décider librement du bien et du mal, capable de choisir ses valeurs indépendamment de ce qui est bien ou mal aux yeux de Dieu — mais aussi de chercher à retrouver la volonté de Dieu pour s’y conformer.

Je doute qu’Adam et sa descendance eussent été condamnés à mener, dans leur «innocence», des existences éternelles d’imbéciles heureux, puisque la mission de croître, de se multiplier et de se soumettre les animaux et la création a été donnée avant la rupture provoquée par la désobéissance première (Genèse 1.28). Mais parce que nous faisons partie de l’humanité et que, d’une certaine manière, nous sommes tous descendants du premier homme et de la première femme, nous avons hérité de la connaissance du bien et du mal et nous devons nous en accommoder, alors même que notre «bien» se tourne en mal et que nous sommes trop souvent incapables de faire le bien que pourtant nous discernons et voudrions faire.

De plus, la mise en garde de Dieu à propos de l’arbre de la connaissance nous place devant une équation déplaisante : connaissance = mort. Elle signale un ordre qui n’appartient qu’à Dieu, qui est «saint» en langage judéo-chrétien, auquel il vaut mieux ne pas toucher, sans quoi on s’expose à des conséquences douloureuses. On trouve des situations analogues dans l’interdiction faite aux sacrificateurs de fabriquer pour leur propre usage le parfum réservé aux sacrifices d’adoration (Exode 30.37-38), ainsi que dans le malencontreux épisode où un homme non consacré a cru bon de retenir l’Arche de l’alliance qui menaçait de tomber d’un char, et qui a été tué sur le coup (2 Samuel 6.1-10).

Cultiver l’arbre de la connaissance
Le concept de connaissance s’est étendu bien au-delà de la morale à partir du moment où l’homme a dû produire par ses propres forces ce dont il jouissait gratuitement en Éden. Travailler, c’est transformer ce qu’on trouve dans le monde en fonction d’une idée. C’est plus facile quand on connaît les lois de fonctionnement des phénomènes naturels. La Bible ne condamne pas la connaissance scientifique ou la technique en tant que telles ; après tout, si l’homme a reçu de Dieu la tâche de dominer sur toute la terre, n’avait-il pas intérêt à développer ses connaissances pour le faire plus efficacement ?

Peut-on cultiver l’arbre de la connaissance, et de quels fruits est-il capable ? Telle est la question que les philosophes se sont posée, en reléguant au rang des éléments secondaires le fait qu’elle porte sur le bien et le mal. À les lire, on a l’impression que, dans cette histoire, Dieu a menti comme s’il avait voulu cacher à l’homme quelque chose de très important (la connaissance) pour le maintenir dans la dépendance, alors que le serpent a dit la vérité. Ève et Adam ont donc bien fait de désobéir en mangeant le fruit:

La femme vit que l’arbre était bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement. Elle prit de son fruit et en mangea; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea.

Genèse 3.6
Bas relief en marbre de Lorenzo MaitaniCathédrale d’Orvieto montrant Ève et l’arbre

Cette perspective oublie que la connaissance, dans le récit de la Genèse, relève moins d’une intuition que d’une décision. Elle n’est pas la réception d’une vérité jusque-là cachée, mais la capacité de déterminer soi-même ce qui est bien et mal, que cela s’effectue dans une démarche éthique ou dans une décision arbitraire. Mais les philosophes vont interpréter cette connaissance comme la capacité de distinguer entre le bien et le mal. Comme on distingue sa gauche de sa droite, on est capable de reconnaître le bien comme bien, le mal comme mal. On renverse alors complètement la donne, car le bien et le mal deviennent du même coup supérieurs à Dieu. Autrement dit, on pose des valeurs absolues qui, dans l’échelle de l’excellence et de l’être, se situent au-dessus du Dieu créateur de toute chose. Il reste assurément capable de les distinguer, mais il est contraint de se soumettre au bien. Une telle idée n’est plus compatible avec l’économie du texte biblique, mais elle a fait des petits dans l’histoire de la philosophie.

Si la révélation biblique doit être prise au sérieux, alors c’est Dieu qui décide souverainement du bien et du mal. Il n’y a aucune raison que nous en fussions capables, devenus semblables à lui, et qu’il ne le soit pas. Le bien est ce que Dieu décide, et si cela n’est pas le bien à mes propres yeux, je dois m’en arranger. Trois possibilités : ou je m’en remets à son point de vue, ou je lui oppose le bien selon moi-même et m’oppose donc à lui, ou je nie Dieu lui-même dans une position athée. Il n’y a pas de quatrième possibilité, car me référer à un bien qui serait supérieur à Dieu lui-même revient à élaborer métaphysiquement ma propre idée du bien pour la poser en prétendu absolu.

Ainsi, les philosophes ont moins considéré l’accession de l’homme à l’autonomie morale que la connaissance qui nous rend capables, soi-disant comme Dieu, de nous rapporter au Bien absolu et de le distinguer du Mal. Bientôt, la connaissance ne sera plus seulement la capacité de discriminer entre Bien et Mal ; elle deviendra intuition de l’absolu. Chez Spinoza, c’est le troisième genre de connaissance, une science intuitive qui donne accès à l’essence même des choses. Dans sa perspective, la Chute n’a pas été une catastrophe, mais une chance, une évolution majeure : l’homme a quitté l’état d’innocence (autant dire de bêtise et de soumission) pour accéder à la raison grâce à laquelle, quand on connaît la vérité sur quelque chose, on en sait autant que Dieu, car

n’y ayant qu’une vérité de chaque chose, quiconque la trouve en sait autant qu’on en peut savoir.

Descartes, Discours de la méthode, seconde partie.

Au lieu de chute ou de péché, on ferait mieux de parler de victoire: le fruit défendu, c’est la raison, grâce à laquelle nous allons pouvoir tout connaître et tout maîtriser. L’homme a gagné le gros lot, et non la désolation, la mort, la culpabilité et l’éloignement de Dieu.

Qu’importe d’ailleurs que nous nous éloignions de Dieu : si nous pouvons être comme lui, nous pouvons aussi très bien nous passer de lui. Et, de fait, tout le monde veut connaître, tout le monde pense qu’il n’y a de salut que dans la connaissance et la science, grâce aux applications techniques qu’elle permet et à la sagesse qu’on tire de la philosophie. Socrate voulait connaître l’essence des valeurs morales, Platon voulait contempler les Idées éternelles, Aristote parvenir à la science de toute chose. Comment le leur reprocher puisqu’ils étaient grecs et ne connaissaient pas le récit de la Genèse ? Mais c’est pareil pour les philosophes qui le connaissent : eux aussi ont choisi la connaissance, désiré la connaissance de l’absolu, voulu découvrir des lois universelles et tellement nécessaires que Dieu lui-même ne pourrait que leur être soumis.

Chestov conclut ainsi:

Le serpent n’a pas trompé l’homme. Les fruits de l’arbre de la science du bien et du mal, c’est-à-dire comme nous l’a expliqué Hegel, la raison qui extrait tout d’elle-même, sont devenus les principes de la philosophie pour tous les temps.

Chestov, Athènes et Jérusalem, p. 121.

Reste un troisième lieu chestovien à visiter : ce sera le terrain des faits.

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La foi, la raison et l’esprit critique

Pour ceux qui estiment que la foi chrétienne est incompatible avec l’esprit critique, je renvoie au billet La foi et l’esprit critique.

Je vous propose aujourd’hui de poursuivre sur la question de la foi et de la raison en nous intéressant à Léon Chestov (1866-1938) qui, lui, critique la raison au nom de la foi.

Léon Chestov photographié par Pierre Choumoff, années 1920

Ce philosophe né en Russie, qui a vécu en Suisse et à Paris, est de ceux qui sont allés le plus loin dans la critique de la philosophie à partir de la révélation chrétienne. Son ouvrage le plus significatif est certainement Athènes et Jérusalem, qu’il considérait comme son œuvre capitale. Il s’agit d’un recueil d’études écrites entre 1928 et 1937, dans lesquelles il creuse l’opposition entre la connaissance et la foi avec une radicalité sans concession.

Pour entrer dans sa pensée, nous allons visiter successivement avec lui trois “lieux” particulièrement riches de sens : le taureau de Phalaris, le jardin d’Éden et le terrain des faits.

Dans le taureau de Phalaris

Commençons par le taureau de Phalaris, cette statue de bronze creuse, représentant un taureau, munie d’une porte, et qui sert d’instrument de supplice. Phalaris, tyran d’Agrigente au VIe siècle avant Jésus-Christ, y faisait périr ses ennemis dans d’atroces souffrances en les enfermant dans le taureau sous lequel un feu était allumé ; des flûtes étaient ajustées aux naseaux de la statue de telle sorte que les cris des victimes soient plus mélodieux. Selon Lucien de Samosate, Phalaris aurait prétendu ne l’avoir essayé que sur Perillius, l’inventeur du taureau, pour le punir de sa cruauté.

Phalaris condamnant le sculpteur PerillusBaldassarre Peruzzi

Quoi qu’il en soit, le taureau de Phalaris fait imaginer des souffrances extrêmes, et c’est sans doute pourquoi les philosophes de l’Antiquité l’ont choisi comme l’exemple par excellence d’une situation limite.

Comment un philosophe devrait-il se comporter s’il devait affronter un tel supplice ? Certainement pas en se lamentant, ou en se débattant, ou en criant, ou en se désespérant, comme le ferait n’importe quelle personne « normale ». Si telle est l’attitude qu’on peut attendre de la foule, ce n’est pas ainsi que le philosophe doit se comporter. Épicure, qui valorisait les plaisirs modérés, aurait affirmé que le sage devrait l’aborder en disant : « Que ceci est agréable ! Que j’en suis peu ému ! », car il sied au vrai philosophe d’être heureux même et jusque dans le taureau de Phalaris.

Cela paraît impossible. On suppose évidemment que le sage n’a aucun moyen d’échapper au supplice, étant aux mains d’un tyran méchant. Mais, grâce à la connaissance des lois universelles et nécessaires, il sait distinguer entre les choses qui dépendent de lui et celles sur lesquelles il n’a pas de prise. Étant soumis à ces lois quoi que nous fassions, l’erreur serait de regimber et de se révolter contre elles et, d’une manière générale, contre tout ce qui n’est pas en notre pouvoir. Ce qui, par contre, est en notre pouvoir, c’est l’attitude que nous adoptons dans les circonstances de l’existence, particulièrement quand elles sont difficiles et dramatiques. Condamné par le tyran, le sage doit admettre que c’est là son destin, qu’il n’y peut rien, mais qu’il dépend encore de lui de choisir la manière dont il va le subir : en l’acceptant en homme libre, ou en essayant vainement de s’y dérober, ou encore en pleurant, sacrant et se lamentant. Quand il ne reste plus d’autre choix, la plus grande valeur est celle de l’attitude. En ce sens, le taureau de Phalaris est une image de l’existence humaine.

Un tel héroïsme n’est-il pas surhumain et, pour tout dire, inhumain ? La connaissance des lois, loin de nous libérer, nous enchaîne définitivement à elles. Dans le cas du sage, la « libre » soumission jusqu’à la mort est même valorisée. Que sont donc cette philosophie et cette morale qui insistent sur la connaissance de ce qui nous entrave non pour défaire les liens, mais pour comprendre qu’ils sont inévitables et que la grandeur morale consiste dans le consentement au destin qui, disaient les stoïciens, conduit ceux qui l’acceptent, et traîne derrière lui ceux qui le refusent ? Pour Léon Chestov, cette position est caractéristique d’un courant majeur de la philosophie, celui qui, recherchant la connaissance des lois, se met à la merci d’Ananké, c’est-à-dire de la nécessité. C’est à dessein que j’utilise le nom grec : il suggère un nom propre, comme celui d’une divinité. Tout se passe en effet comme si de très nombreux philosophes (et les scientifiques avec eux) croyaient à Ananké. Sans doute existe-t-il des philosophes moins dociles, rétifs à cette sorte de mise à mort de la liberté, mais Nietzsche lui-même a fini par se rendre à la maîtresse par excellence de tous les penseurs et savants de l’Occident, Ananké, à partir du moment où sa pensée s’est bloquée dans les cercles de l’Éternel Retour.

Ananké au-dessus des Moires, les trois divinités du destin (Clotho, Lachésis et Atropos)

La vérité et la nécessité

Platon, heureusement, est de ceux qui ne se laissent pas impressionner si facilement. Son allégorie de la Caverne suggère qu’il y a autre chose que ce qui s’offre à l’observation dans l’expérience ordinaire. Mais Aristote, son élève le plus doué, qu’il avait choisi pour enseigner dans l’Académie, n’était pas convaincu. Il était certes l’ami de Platon, disait-il, mais encore plus l’ami de la vérité. La vérité: voilà le mot lâché. Aristote trouvait que son maître se permettait des rêveries dangereuses pour la raison en laissant supposer que le monde ne se résume pas à la connaissance que nous en avons. La science doit reposer sur ce que nous sommes capables de connaître, et comme il se trouve que notre pouvoir de connaître est homogène aux choses qui se proposent à lui, nous pouvons découvrir des lois, les énoncer et constater qu’elles sont effectivement à l’œuvre dans les phénomènes naturels et physiques. La nécessité à l’œuvre dans la nature s’exprime dans les lois que nous découvrons : tous les phénomènes, tout ce qui se passe, tout ce que nous pouvons observer obéit à des lois qui s’appliquent sans exception, pourvu que les conditions de départ soient réunies. Ananké garantit que la loi que je découvre ou que je comprends aujourd’hui fonctionnera demain, comme elle a fonctionné par le passé. C’est grâce à la nécessité qu’il est possible de chercher et de trouver la vérité : sans elle, tout pourrait provenir de n’importe quoi et on n’aurait aucun moyen de prévoir comment les choses vont se produire. Seulement, si la nécessité règne, il n’y a plus de liberté possible — une liberté capable d’infléchir le cours des choses en les soumettant à sa volonté et à son libre arbitre. Une liberté authentique contredirait la nécessité.

Tous les philosophes ne se sont pas pliés au diktat rationnel d’Aristote et de ses continuateurs. Avant lui déjà, Socrate, qui ne dédaignait ni la raison, ni la réflexion, avait aussi parlé de cette petite voix intérieure qui le conseillait et qu’il avait coutume d’écouter. Il l’appelait son démon ; d’autres disent que c’était la voix de sa conscience. On comprend facilement qu’un philosophe qui prétendait entendre des voix ne passait pas pour un penseur très sérieux aux yeux de ses collègues. Mais regardons un instant ce qui s’est passé à la mort de Socrate : la ciguë qu’il a été condamné à boire devait le faire taire définitivement. Tel était l’objectif de ceux qui l’ont fait condamner, scandalisés qu’ils étaient par le comportement et les paroles de Socrate. Le contraire s’est produit, puisque tout le monde se souvient de Socrate. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas bu la ciguë comme un poison destiné à le tuer. Il a pris la coupe, sereinement, courageusement, et l’a bue jusqu’à la dernière goutte en expliquant pourquoi il faisait ainsi et pourquoi il refusait l’aide de ses amis qui avaient préparé son évasion.

Jacques-Louis David, La Mort de Socrate (1787), conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.

Il l’a bue comme s’il signait par sa mort la déclaration la plus solennelle d’indépendance. Ce qui devait le condamner, il l’a affronté en homme libre, retournant la situation en sa faveur, c’est-à-dire en faveur de son héritage. S’il avait suivi les conseils de ses disciples, il aurait pu vivre quelques années de plus, mais qui se souviendrait aujourd’hui d’un philosophe qui aurait saisi l’occasion de ne pas mourir en reniant ses engagements et ses idées ?

Quelques héros de la foi

Les personnages bibliques ne ressemblent pas non plus aux adorateurs d’Ananké : les héros de la foi sont des hommes libres, qui entrent en discussion avec Dieu, qui font connaître leur point de vue, jusqu’à infléchir Ses décisions. La soumission, vertu judéo-chrétienne par excellence ? C’est à voir, puisque toute soumission n’est, de loin, pas valorisée dans les récits bibliques.

Des exemples ?

Les amis de Job lui tiennent des discours éloquents, pleins de sagesse et de recommandations pour l’aider à reconnaître qu’il est finalement responsable des malheurs qui le frappent. Job n’accepte pas ce que lui disent ces « consolateurs pénibles ». Dieu lui donne raison et reproche aux trois amis< de ne pas avoir parlé de Lui avec droiture, comme l’a fait son serviteur Job.

Abraham, apprenant que Dieu est tellement irrité contre Sodome et Gomorrhe qu’il projette de les détruire, se fait du souci pour le sort de son neveu Loth et se livre à un incroyable marchandage avec Dieu en lui demandant : « Feras-tu aussi succomber le juste avec le méchant ? » S’il y a cinquante justes à Sodome, ne faut-il pas pardonner à la ville ? L’Éternel est d’accord. Mais Abraham continue de marchander le pardon de Dieu s’il n’y a que 45 justes, ou seulement 40, ou seulement 30, ou seulement 20. Et à la fin, il obtient le pardon s’il n’y a que 10 justes à Sodome. Mais seuls Loth, sa femme et ses deux filles échapperont à la destruction.

Gédéon réclame bien des signes pour s’assurer que c’est vraiment Dieu qui l’appelle à sauver son peuple. Une nuit, il dépose une toison de laine à l’extérieur, sur l’aire de battage des céréales, en demandant à Dieu que la rosée se dépose seulement sur la toison, et c’est ce qui se passe : il en remplit une coupe d’eau en essorant la toison. La nuit suivante, il demande le phénomène inverse. La rosée vient sur tout le terrain, à l’exception de la toison. Gédéon, si humble soit-il, ne craint pas de mettre Dieu à l’épreuve. Mais ensuite, il se lève et commence à agir.

Le prochain billet nous emmènera dans un deuxième lieu-clé pour Léon Chestov : le jardin d’Eden.

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Stoïcien

Je ne suis pas stoïcien. Je ne crois pas que le salut réside dans la maîtrise de soi, qui s’atteint (peut-être) à force de se tenir éloigné des choses qui réjouissent les autres, ou de celles dont ils souffrent. L’absence de souffrance (apathie) n’est pas mon objectif premier.

Cela dit, pas question de se laisser agiter par tous les désirs et toutes les envies, surtout quand elles sont créées de toutes pièces par le monde dans lequel nous vivons. Il faut un filtre, une ligne de défense, des moyens de faire face, et certaines maximes stoïciennes sont utiles quand il faut mettre de la distance entre le surgissement des désirs et la décision de donner suite ou non à leur tonitruant ou insidieux appel.

Celle-ci par exemple : si tu veux avoir tout ce que tu veux, il suffit de ne vouloir que ce que tu peux avoir. Elle ressemble à une blague, mais c’est une pensée profonde. Pour les stoïciens, par exemple Épictète dans son Manuel, il est impératif de maîtriser nos représentations, de comprendre que les idées et les images que nous nous faisons des choses ne sont pas identiques aux choses qu’elles désignent. Ce qui tourmente les hommes, ce n’est pas la réalité mais les jugements qu’ils portent sur elle.

Ryan Holiday sur Amazon

Le stoïcisme est ancien. Il a connu ses heures de gloire dans l’Antiquité grecque et romaine et pendant la Renaissance. Peu de gens s’affirment stoïciens aujourd’hui, mais j’en connais au moins un, Ryan Holiday, 30 ans, écrivain américain, spécialiste du marketing et des médias, qui professe vivre en stoïcien et qui s’exprime abondamment à ce sujet en livres, articles et billets sur son blog ou celui d’autres qui l’accueillent. Il n’est pas traduit en français pour le moment, mais peu importe. Je trouve intéressant de voir comment il aborde le stoïcisme au quotidien, par exemple dans cet article où il commente 21 épigrammes, pas tous stoïciens d’ailleurs, qui, selon lui, devraient nous conduire dans nos choix et nos existences.

Si vous lisez la langue de Shakespeare et de Donald Trump, allez vous faire votre opinion.

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Cantonnier de la Voie royale

L’interview est un art difficile. J’ai toujours préféré poser les questions plutôt que d’être celui à qui on les adresse. Mais voilà, maintenant, c’est à moi de répondre. Quand je suis dans cette situation, toutes mes idées me désertent et j’ai mille peine à les rattraper pour composer une réponse qui se tienne à peu près. Je reste un homme de l’écrit : premier jet, réécriture, correction, reprise, réarrangement des mots et des phrases jusqu’à obtenir une expression satisfaisante de mes idées : voilà comment j’aime communiquer.

Ce préambule est là pour vous présenter une interview de moi par Serge Carrel à propos de La Sagesse ou la Vie. Vous pouvez lire sa présentation sur le site de la FREE ou regarder directement l’interview en cliquant dans l’image. Durée : 15:05.

Plusieurs questions tournent autour de mon ambition d’être un « cantonnier de la Voie royale », c’est-à-dire un critique des préjugés qui encombrent le chemin menant à la foi. C’est effectivement le propos principal de mon livre. Si mes réponses dans l’interview vous paraissent trop courtes, pas de problème : la version longue est dans La Sagesse ou la Vie.

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Interview sur TeleBielingue

TeleBielingue, c’est la TV locale de Bienne et environs. Thierry Luterbacher m’y a invité le 6 juin dernier pour une interview.

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Les Petits Matins, jeudi 21 avril

Voilà, c’est fait. Fatigué encore de la nuit précédente à l’hôtel, du lever à 3h30 pour être sûr d’arriver frais et dispos autant qu’il est possible au studio à cinq heures moins le quart, l’émission commençant à cinq heures.

Vous pouvez télécharger l’émission ou l’écouter depuis le site de La Première.

L’invité que nous avons «réveillé» un peu avant 6 heures était Christophe Reichenbach, aumônier de l’association Rue à Coeur.

Deux images souvenir. Georges Pop, qui m’a interviewé; au second plan, Didier Duployer, qui a donné les infos de 5h30 :

Georges Pop durant l'émission

Et l’interviewé, juste au moment de commencer (photo Caroline Dumoulin, RTS) :

Photo Caroline Dumoulin, RTS

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Pour les lève-tôt

Ce jeudi 21 avril, je serai l’invité de Georges Pop dans son émission « Les petits matins » sur La Première. En direct, entre 5 et 6 heures du matin. Honneur aux lève-tôt !

J’en suis tout réjoui, mais le trac commence aussi à monter…

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Une page dans « Réforme »

L’hebdomadaire français Réforme, dans son numéro du 17 février, m’a consacré un article d’une pleine page. En attendant que je le mette en ligne ici, je vous renvoie au site de Réforme qui en donne juste le début — le reste est réservé aux abonnés.

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Interview sur Canal 3

La radio locale biennoise Canal 3 a diffusé le 15 février une interview à propos de la soirée littéraire qui a eu lieu le soir même, et qui a réuni une trentaine de personnes.

Durée : 3 minutes 34.

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Le 15 février aux Soirées littéraires biennoises

J’ai été invité à lire et commenter mon dernier livre le 15 février prochain dans le cadre des Soirées littéraires biennoises. Entrée libre, collecte pour couvrir les frais.

Feuille de présentation
Photo Pierre von Gunten

Ces soirées, qui n’existeraient pas sans le dévouement de Pierre von Gunten, sont l’occasion de rencontrer des auteurs de la région. Elles se tiennent dans une salle du restaurant Bierhalle, qui n’est certainement ni le plus romand, ni le plus moderne des restaurants de Bienne, mais qui a l’immense mérite d’accueillir ces rencontres. Entre les trophées du jodler-club de Boujean et des reproductions des peintures d’Albert Anker, je lirai des passages de La Sagesse ou la Vie, je m’expliquerai sur ma démarche et je répondrai de mon mieux aux questions qu’on voudra bien me poser. Le livre sera en vente sur place, mais je dédicacerai volontiers un exemplaire que vous posséderiez déjà.

Rendez-vous à 19h00. L’usage veut que les personnes qui le souhaitent terminent la soirée autour d’un petit repas servi par le restaurant.

Adresse : Café-restaurant Bierhalle, Route de Boujean 154 (Bözingenstrasse 154), 2504 Bienne. Depuis la gare, bus n° 1, direction Patinoire, arrêt Châtelet (Schlössli).

Restaurant BierhalleTéléchargez l’affichette A5 et la présentation de la soirée.