Catégories
Christianisme Philosophie

Voir ou écouter ?

Nous commémorons cettre annér le 300e anniversaire de la naissance d’Emmanuel Kant, l’homme aux trois Critiques (de la raison pure, de la raison pratique et du jugement esthétique). Philosophe majeur, il a marqué l’histoire de la philosophie au point qu’on ne peut plus penser comme s’il n’avait jamais existé.

J’aimerais évoquer un petit essai qu’il a publié en 1783 en réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? C’est du moins ainsi qu’on a traduit en français Was ist Aufklärfung ? – traduction maladroite, j’y reviendrai.

Qui donc avait posé la question ? Un pasteur berlinois, Johann Friedrich Zöllner. Il avait pris la défense du mariage religieux contre le mariage civil, en réponse à un article anonyme qui en faisait l’apologie dans le numéro de septembre 1783 de la Berlinische Monatsschrift. Zöllner soutenait que mariage religieux était dans l’intérêt de l’État. Il polémiquait aussi contre la confusion et le trouble semés dans l’esprit et le cœur des gens au nom de l’Aufklärung, ajoutant, dans une note de bas de page, que ce concept d’Aufklärung était flou et que jamais personne n’avait répondu à la question de savoir ce qu’est –- alors qu’il s’agit d’une question presque aussi importante que celle de savoir ce qu’est la vérité.
Les réponses à cette question posée par un inconnu dans une note de bas de page sont venues en nombre, écrites par les auteurs les plus illustres de l’époque, parmi lesquels Kant.

Il est difficile de traduire Aufklärung en français. Le terme allemand signifie l’éclaircissement, l’explication, la clarification, l’élucidation, la démystification. Il s’agit effectivement d’apporter de la lumière dans quelque chose qui en manque. C’est un processus qui va à l’encontre de l’obscurantisme, principalement dans le domaine de la religion. Ce qu’on appelle le siècle des Lumières se dit en allemand das Jahrhundert der Aufklärung. En France, le XVIIIe siècle, dit sïcle des Lumières, est celui de Voltaire, de Montesquieu, de Diderot, de Rousseau, pour citer les plus connus. On peut le voir comme un héritage de Descartes qui, en identifiant la vérité avec l’évidence, a placé le débat sur un terrain qui appelle la lumière. Dans évidence, il y a la racine latine evidens, reliée au verbe video, voir. La vue est le sens auquel il est fait appel pour caractériser la vérité. Ce qui est évident est clair et distinct. Il faut donc chasser l’obscurité et la confusion.

Cette mise en lumière, cet appel à la transparence totale, est-on tenté de dire, me frappe par le fait qu’elle revient à tout mettre dans une forme d’extériorité et régler par là la question de la vérité et de l’erreur. Il suffirait de tout exposer à la lumière. Rousseau ne serait d’accord avec ce principe que dans sa pensée politique. À titre personnel, il mettait davantage l’accent sur l’intériorité – encore que ses Confessions, dans lesquelles il a voulu découvrir son cœur, montrer à ses semblables un homme dans toute la vérité de sa nature, n’en sont pas moins ambiguës, en ce sens que montrer, découvrir, c’est à nouveau mettre en lumière dans l’extériorité.

Tout le monde n’est pas d’accord pour considérer que la vérité ne se dit que par référence à la vue et à la lumière. Dans l’Ancien testament, “Écoute Israël ! L’Éternel notre Dieu, l’Éternel est un” (Deutéronome 6.4) sonne un commandement primordial, ce qui est confirmé par Jésus dans l’évangile de Marc en réponse à un scribe qui lui demande quel est le premier de tous les commandements : “Voici le premier : Écoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un, et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là.” Le mot d’ordre n’est pas “Vois!”, mais “Écoute !”

De manière inattendue, Nietzsche retrouve sur ce point la pensée biblique. Il voulait philosopher à coups de marteau. Le marteau était aussi bien celui des iconoclastes occupés à faire voler les idoles en éclats que le marteau d’auscultation du médecin, qui, à l’oreille, d’après le bruit produit dans l’organisme par le coup de marteau, pouvait connaître son état réel. On n’ausculte plus guère au marteau de nos jours. Le scanner et les IRM ont remplacé la subtilité de l’écoute par du bon gros visuel.

C’est dire si le thème de la lumière — et des Lumières — est fondamental dans notre culture. Que dit donc Kant dans sa réponse à la question Qu’est-ce que les Lumières ?

Ce sera le thème de mon prochain billet.

Catégories
Écrire

Un trot de cheval sur une cour pavée

Je relis les épreuves de mon roman à paraître ce printemps. J’en suis à la relecture au plumeau, pour reprendre une des belles métaphores utilisées par Jean Guenot dans son excellent Écrire, Guide pratique de l’écrivain, éditions Guenot, Saint-Cloud, 1998. La relecture au plumeau intervient après la relecture au sabre, à l’issue du premier jet, elle-même suivie de la relecture à la colle.

C’est le moment de vérifier la grammaire, de traquer les répétitions, de corriger les coquilles sur les épreuves où le texte est déjà mis en page. Je redécouvre un texte que je n’ai plus relu depuis six mois. Quand la lecture cesse d’être fluide, c’est qu’il y a un souci. Alors j’élague, je biffe, je change une expression, je pars à la recherche d’un synonyme que je trouve souvent sur le site du CRISCO. Je réaménage les passages où la lecture est entravée, je fais la chasse aux scories, je retire le caillou dans la chaussure, je m’efforce de parvenir à la formulation la meilleure possible, celle dont je me demande pourquoi je ne l’ai pas trouvée du premier coup. Cela dit, je sais bien que lorsque j’ouvrirai mon livre au hasard, juste après avoir reçu le premier exemplaire, je tomberai une coquille oubliée en me demandant comment j’ai pu ne pas la voir.

Pour en revenir au style, à l’écriture, ce que j’aimerais entendre, c’est un trot de cheval page sur une cour pavée, selon une autre image de Guenot.

Le maître écrivain est un maître menteur. Il forge, il ajuste, il façonne; il découd pour recoudre des bouts de mensonge car il sait bien qu’il n’a pas d’autre moyen de dire la vérité (…) D’autant qu’elle ne se fait pas en soufflant dessus, la pénétrante musique du mensonge. On part de petites vérités. C’est piètre. Mentir s’apprend. Écrire aussi. Tous les humains sont des menteurs puisqu’ils ont recours au langage. Fort peu sont des écrivains. On va passer dix heures sur six feuillets de texte, les donner à lire. En moins de quatre secondes, tout lecteur un peu entraîné sait si vous avez ou non la cadence. L’écrivain se reconnaît sur la page comme un trot de cheval sur une cour pavée. Même loin, menu, intermittent. Même à travers une ou deux épaisseurs de sommeil. (…)
Écrire est un artisanat si mal payé qu’on ne peut continuer à l’exercer que par vanité d’auteur. Il y faut tant d’efforts, d’échecs, d’acharnement qu’on ose à peine dire le temps passé. Pourtant, dès que le texte paraît, écrire devient une activité reluisante. Dans la hiérarchie morale des métiers du livre, l’auteur vient tout en haut. On le punit de ce prestige en le payant en monnaie de singe. Puisqu’il tire des auréoles de ce qu’il écrit, la contrepartie tout à fait naturelle c’est de ne pas lui permettre d’en vivre.

Jean Guenot, Écrire, Guide pratique de l’écrivain, avec des exercices, Éditions Guenot, Saint-Cloud, 1998, pp. 23-24
Catégories
Choses vues Non classé

Holiday Train Show dans le Bronx

J’aime les trains, les grands comme les petits. À la fin de l’année dernière, j’ai eu le plaisir de visiter le Jardin botanique de New York, dans le Bronx, qui propose un “holiday train show” tout à fait remarquable.

Avant même d’entrer dans le bâtiment principal, où se trouve une grande serre tropicale, on découvre des constructions en bois qui supportent une voie ferrée de modèle réduit dans une échelle qui doit être à l’échelle 1:22,5, avec un écartement de 45mm. En plein air. C’est du LGB (Lehmann Garten Bahn), une marque qui appartient à Märklin depuis 2007. Le matériel supporte les intempéries, d’où son utilisation possible en extérieur, dans un jardin ou dans un parc, comme ici.

Mais l’extérieur n’est que l’apéritif, si je puis dire, car l’intérieur du bâtiment abrite des circuits plus longs et complexes. Les trains passent entre les plantes, sur des ponts impressionnants faits de branchages, devant des reproductions de bâtiments new-yorkais. Il y en a près de 200, ceux qu’on voit à Central Park, mais aussi l’ancienne Bibliothèque publique de New York, sans oublier les gratte-ciel les plus connus, du Chrysler Building au nouveau World Trade Center.

Tous sont réalisés à partir de matériaux végétaux, même la statue de la Liberté. Les concepteurs de l’installation appellent cela de l’architecture botanique.

La vidéo promotionnelle ci-dessus et ce
reportage sur CBS news donnent une idée du travail que représente la mise en place du “train show”.

Au bout d’un moment, on ne sait plus très bien où donner de la tête. Des trains circulent dans tous les sens, on passe sous des ponts en bois qui reproduisent quelques-uns des grands ponts qui traversent l’Hudson ou l’East River, et qui sont eux aussi parcourus de convois de marchandises ou des rames de wagons pour les voyageurs. On admire les bâtiments, et du coup, les plantes du Jardin botanique sont juste là pour la déco.

Pour en savoir plus, il y a encore cette page du site du Jardin botanique et cette vidéo très complète sur la fabrication des maquettes à l’aide de végétaux et leur mise en place pour le Holiday Train Show de New York :

La prochaine édition aura lieu en décembre. Si vous aimez les trains, si vous vous trouvez au bon endroit au bon moment, achetez vos billets à l’avance et allez-y à l’ouverture, car ensuite il y a vraiment beaucoup de monde.

Catégories
Écrire Le Prix du Hasard

Mon prochain roman

J’ai le plaisir de vous annoncer que mon prochain roman paraîtra durant le deuxième trimestre de 2024 aux éditions Mon Village.

Il sera dans la veine de Chasseral love, avec une intrigue policière, un ancrage local et… quatre fois plus de morts (mais pas plus de quatre). Il y sera question du hasard et de tout ce qui se met en place pour le dominer. Titre provisoire : Le Prix du hasard.

J’ai hâte de vous en dire davantage.

Catégories
Philosophie Zeitgeist

Tout est possible avec philosophy®

Bienne, Manor, 14 juin 2022.

Nature, grâce, pureté, espérance et miracle, philosophy® (ce ®, quel culot!) vous offre vend tout ce que vous voulez.

Catégories
Choses vues Philosophie Zeitgeist

Blitz philosophie

Bienne, libraire Lüthy, 27 mai 2022.

On n’arrête pas le progrès.

Catégories
Christianisme Organisation

Comment je lis la Bible

La Bible, je l’ai lue plusieurs fois de la Genèse à l’Apocalypse, mais j’ai adopté depuis quelques années ce que j’appelle la méthode Laurence, du nom d’une amie maintenant décédée. La méthode Laurence consiste à diviser l’ensemble des livres qui composent la Bible en sept parties, une par jour de la semaine.

Chez moi, cela donne ceci :
– lundi : le Pentateuque
– mardi : les Évangiles
– mercredi : les livres historiques, de Josué à Esther
– jeudi : les Actes des apôtres et les épîtres de Paul
– vendredi : les livres prophétiques, d’Esaïe à Osée
– samedi : le reste du Nouveau testament, de l’épître aux Hébreux à l’Apocalypse
– dimanche : les livres poétiques et les Petits prophètes (de Joël à Malachie).

Sept signets bleus, un pour chaque jour de la semaine.

Quatre jours pour l’Ancien testament, trois jours pour le Nouveau. On lit autant qu’on peut ou qu’on veut dans la section du jour. La diversité des livres lus au long de la semaine fait paradoxalement apparaître la cohérence de l’ensemble.

La première tâche de mes journées est donc la lecture de la Bible, lue avec la conviction que ce recueil de textes écrits par des hommes est, de part en part, inspiré par Dieu. Si j’ai de la peine à comprendre un passage, je consulte d’autres traductions (TOB, Jérusalem, Darby, etc.) que celle que j’utilise actuellement (Bible à la Colombe). Du grec, je ne connais que l’alphabet, juste le nécessaire pour consulter mon dictionnaire grec-français. D’autres outils (concordance Strong, interlinéaire du Nouveau Testament, dictionnaire biblique) sont utiles quand je reste bloqué dans la compréhension d’un verset ou d’un terme, ou si je m’interroge sur la pertinence de la traduction que j’ai sous les yeux. L’important est que la Parole me parle, me touche, me choque, me surprenne, me décontenance ou m’interpelle. Certains passages restent mystérieux, d’autres trouvent une clarté nouvelle.

Cela dit, un problème surgit quand on a lu la Bible plusieurs fois. On s’est habitué, on connaît la musique, on est moins attentif. Pour déjouer ce piège, certaines personnes la lisent dans une autre langue ou prennent une autre version. Ce sont de bonnes idées. Pour ma part, je résume ou je paraphrase ce que j’ai lu sur une pleine page d’un agenda au format A5. Ce qui tient sur une page détermine la longueur du texte pris en considération : tout un chapitre, le plus souvent une partie d’un chapitre, parfois un ou deux versets. Il m’arrive aussi de recopier des passages difficiles à résumer. Je commente peu. Mon agenda, fidèle témoin de mon assiduité, signale par ses pages blanches les jours où j’ai manqué le rendez-vous.

Je ne relis pas mes résumés, sauf pour raccorder ma lecture du jour à celle de la semaine d’avant. Ce qui compte, c’est l’attention du moment, même dans les chapitres plus rébarbatifs, le détail des lois dans le Lévitique ou le Deutéronome, ou les généalogies. Ces passages arides ne revenant qu’une fois par semaine, c’est supportable. S’agissant des généalogies, je dois tout de même reconnaître que ces longues listes de noms d’hommes morts il y a des millénaires ne me laisse pas indifférent. Leur nom figure là, leur souvenir, si ténu soit-il, est conservé dans ces pages, et pense à ces mémorials humains sur lesquels on peut lire les noms des combattants morts pour leur pays, à ceux qui énumèrent les victimes de la Shoah ou les victimes des attentats du 11 septembre, à toutes ces tentatives presque dérisoires de conserver le souvenir de ces gens. Je pense aussi à ce livre de vie dont il est dit que tous les noms des élus y sont écrits. J’espère que le mien y figure. 

New York, mémorial du 11 Septembre

Ma méthode ne permet pas de lire toute la Bible en un an, mais ces petites portions quotidiennes sont substantielles. Je redécouvre la radicalité du message, l’insistance sur la vérité, la justice, l’attention aux démunis. Dieu est amour, assurément. Encore faut-il s’entendre sur ce que ce terme signifie. Rien de mièvre dans l’amour de Dieu, aucune complaisance pour le péché. L’hypocrisie, le mensonge, l’orgueil et l’injustice n’ont aucune chance devant lui, mais il désire venir au secours du pécheur pour qu’il sorte de là, à l’image du médecin qui, sans pitié pour la maladie, fait le nécessaire pour aider le malade à guérir.

Catégories
Dérèglement climatique Non classé Zeitgeist

Temps de plomb

Les nouvelles de la guerre en Ukraine ont immédiatement succédé au soulagement qui a suivi la levée des restrictions sanitaires mises en place en raison de l’épidémie de Covid-19 — qui paraissent bien légères en comparaison de ce qui se déroule jour après jour depuis le 24 février : les millions de réfugiés fuyant les villes ravagées par les bombardements, ces hommes et ces femmes qui résistent contre toute logique à la puissance de l’armée russe, avec un courage qui suscite l’admiration, alors que, pour notre part et à notre honte, nous en sommes à craindre la hausse du prix de l’essence et l’éventuelle indisponibilité de tel ou tel produit, en essayant de ne pas penser trop fort aux développements immenses que pourrait prendre ce conflit.

Comment, dans ces conditions, continuer comme si de rien n’était, comment savoir quoi faire ou ne pas faire? Pour ma part, je n’ai jamais cru que la chute du Mur de Berlin, cet événement inespéré, ouvrait une période de paix plus ou moins perpétuelle, mais ça me fait mal d’avoir raison. Qui sait au-devant de quels bouleversements, de quels périls nous allons ? J’essaie de me rassurer avec cette parole de Claudel : « Le pire n’est pas toujours sûr », mais ça marche moyennement. Mieux vaut prier.

Des réfugiés par millions, des séparations, des morts, du malheur, des souffrances, du désespoir. Voilà les fruits de la guerre. S’y ajoutent, dans le désordre, des action héroïques, des poussées de haine, des élans de générosité envers les victimes, des crimes affreux. Et pourtant, il y a déjà des gagnants : les marchands d’armes et ceux qui calculent les bénéfices que l’inflation va leur permettre d’engranger.

La situation réintroduit du sérieux dans nos existences. Elle nous rappelle notre fragilité et notre mortalité. Elle s’ajoute à toutes les préoccupations liées à la dégradation de la planète. Ce monde qui part en vrille n’est pas celui que nous pensions léguer à nos enfants, et pourtant il est là. Plutôt que de passer du temps à désigner des coupables ou à nous auto-flageller, réveillons notre compassion et prenons nos responsabilités pour produire, là où nous sommes, de la dignité, de la justice et de l’amour. Tout ne sera pas fini au moment où nous mourrons. Je crois à la vie éternelle et j’ai la conviction que c’est ici-bas, maintenant, demain et tous les jours qui nous seront encore donnés, que se joue la manière dont nous la passerons.

Catégories
Choses vues Non classé

Longévités

Blaise Cendrars a écrit un long poème sur les aventures de ses sept oncles. Pour ma part, j’en ai eu neuf, six du côté de mon père, trois du côté de ma mère, qui avait aussi une sœur. De ces neuf, deux sont encore vivants. Leurs aventures sont très différentes de celles des oncles de Cendrars et elles ont toutes eu le Jura pour cadre, sauf pour l’un d’eux, qui a beaucoup voyagé.

Image tirée du Quotidien jurassien, 19 juin 2021.

J’ai assisté aujourd’hui aux funérailles de Joseph (celui qui est tout à droite sur la photo), décédé dans sa 99e année, après une longue retraite qu’il a eu le privilège de vivre en bonne santé. Il était le frère de mon père, Henri, aîné de la fratrie, qui est mort à 64 ans, quelque mois avant sa retraite, qu’il attendait comme une délivrance. Joseph a donc vécu 34 ans de plus que mon père : autant dire une fois et demie la vie de mon père. Et il a vécu plus de deux fois la vie de Gilbert, le deuxième des 7 frères, décédé à l’âge de 42 ans. Gilbert s’est marié le premier et il a eu cinq enfants, dont trois sont plus âgés que moi. Quant aux quatre derniers oncles de cette fratrie, ils sont tous devenus octogénaires.

Je ne sais pas quelle morale tirer de cette histoire, sinon l’imprévisibilité de la durée de la vie – de ma vie. Un dernier exemple pour s’en convaincre : ma grand-mère maternelle, qui ne brillait pas par sa santé, est devenue centenaire, mais sa fille, ma propre mère, a vécu trente ans de moins.

Catégories
Dérèglement climatique Zeitgeist

Changer les mots pour mieux voir les choses

J’ai parlé hier du nouveau rapport du GIEC en pensant réchauffement climatique ou changement climatique, et je m’aperçois aujourd’hui que ces termes ne sont plus appropriés. C’est Dominique Burg, interrogé par Le Temps, qui m’a repris sur cette question. Selon lui, il faut repenser les mots du climat.

Le réchauffement climatique désigne l’augmentation de la température moyenne à la surface du sol. Terme ambigu, parce que, dans certains endroits, il peut faire plus froid que d’habitude; terme piège, parce que je me souviens bien, il y a quelques années, des gens qui se réjouissaient de ce réchauffement : il fait meilleur chez nous, le vin gagne en qualité, et nous avons des soirées agréables comme si nous étions en vacances.

Le changement climatique n’est pas un terme plus approprié. C’est une formule trop neutre, explique Burg, « elle implique que le climat peut changer dans tous les sens. Ce n’est pas relié à quelque chose de concret, que l’on va vivre. » Idem pour l’urgence climatique, qui nous focalise sur ce qui se passe maintenant : nous devons réfléchir aux conséquences que nos actions ou notre inaction auront sur les années à venir, par exemple à la fin du XXIe siècle…

Il vaut mieux parler de dérèglement climatique, ou de catastrophe climatique, deux termes qui prennent mieux en compte la responsabilité humaine.

Les termes inadéquats masquent les problèmes. Il faut nommer correctement les choses pour être en mesure de les affronter, tant bien que mal.