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Holiday Train Show dans le Bronx

J’aime les trains, les grands comme les petits. À la fin de l’année dernière, j’ai eu le plaisir de visiter le Jardin botanique de New York, dans le Bronx, qui propose un “holiday train show” tout à fait remarquable.

Avant même d’entrer dans le bâtiment principal, où se trouve une grande serre tropicale, on découvre des constructions en bois qui supportent une voie ferrée de modèle réduit dans une échelle qui doit être à l’échelle 1:22,5, avec un écartement de 45mm. En plein air. C’est du LGB (Lehmann Garten Bahn), une marque qui appartient à Märklin depuis 2007. Le matériel supporte les intempéries, d’où son utilisation possible en extérieur, dans un jardin ou dans un parc, comme ici.

Mais l’extérieur n’est que l’apéritif, si je puis dire, car l’intérieur du bâtiment abrite des circuits plus longs et complexes. Les trains passent entre les plantes, sur des ponts impressionnants faits de branchages, devant des reproductions de bâtiments new-yorkais. Il y en a près de 200, ceux qu’on voit à Central Park, mais aussi l’ancienne Bibliothèque publique de New York, sans oublier les gratte-ciel les plus connus, du Chrysler Building au nouveau World Trade Center.

Tous sont réalisés à partir de matériaux végétaux, même la statue de la Liberté. Les concepteurs de l’installation appellent cela de l’architecture botanique.

La vidéo promotionnelle ci-dessus et ce
reportage sur CBS news donnent une idée du travail que représente la mise en place du “train show”.

Au bout d’un moment, on ne sait plus très bien où donner de la tête. Des trains circulent dans tous les sens, on passe sous des ponts en bois qui reproduisent quelques-uns des grands ponts qui traversent l’Hudson ou l’East River, et qui sont eux aussi parcourus de convois de marchandises ou des rames de wagons pour les voyageurs. On admire les bâtiments, et du coup, les plantes du Jardin botanique sont juste là pour la déco.

Pour en savoir plus, il y a encore cette page du site du Jardin botanique et cette vidéo très complète sur la fabrication des maquettes à l’aide de végétaux et leur mise en place pour le Holiday Train Show de New York :

La prochaine édition aura lieu en décembre. Si vous aimez les trains, si vous vous trouvez au bon endroit au bon moment, achetez vos billets à l’avance et allez-y à l’ouverture, car ensuite il y a vraiment beaucoup de monde.

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Blitz philosophie

Bienne, libraire Lüthy, 27 mai 2022.

On n’arrête pas le progrès.

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Longévités

Blaise Cendrars a écrit un long poème sur les aventures de ses sept oncles. Pour ma part, j’en ai eu neuf, six du côté de mon père, trois du côté de ma mère, qui avait aussi une sœur. De ces neuf, deux sont encore vivants. Leurs aventures sont très différentes de celles des oncles de Cendrars et elles ont toutes eu le Jura pour cadre, sauf pour l’un d’eux, qui a beaucoup voyagé.

Image tirée du Quotidien jurassien, 19 juin 2021.

J’ai assisté aujourd’hui aux funérailles de Joseph (celui qui est tout à droite sur la photo), décédé dans sa 99e année, après une longue retraite qu’il a eu le privilège de vivre en bonne santé. Il était le frère de mon père, Henri, aîné de la fratrie, qui est mort à 64 ans, quelque mois avant sa retraite, qu’il attendait comme une délivrance. Joseph a donc vécu 34 ans de plus que mon père : autant dire une fois et demie la vie de mon père. Et il a vécu plus de deux fois la vie de Gilbert, le deuxième des 7 frères, décédé à l’âge de 42 ans. Gilbert s’est marié le premier et il a eu cinq enfants, dont trois sont plus âgés que moi. Quant aux quatre derniers oncles de cette fratrie, ils sont tous devenus octogénaires.

Je ne sais pas quelle morale tirer de cette histoire, sinon l’imprévisibilité de la durée de la vie – de ma vie. Un dernier exemple pour s’en convaincre : ma grand-mère maternelle, qui ne brillait pas par sa santé, est devenue centenaire, mais sa fille, ma propre mère, a vécu trente ans de moins.

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Donnez-moi des ordres, s’il vous plaît !

“Nous voulons une dictature, la même pour tous !”

Voilà ce que je crois entendre quand je suis les informations que donne la RTS au 19h30 (exemple 1, exemple 2) ou dans ses bulletins horaires à la radio. On reproche au Conseil fédéral son inaction, le retard qu’il met à gouverner par ordonnances, la liberté qu’il laisse aux cantons de prendre des mesures qui ne sont évidemment pas uniformes pour lutter contre la propagation du covid-19.

Personnellement, je ne veux pas d’une dictature, ni d’un pouvoir central qui dicte ma conduite. Je préfère que l’initiative soit laissée aux cantons tant que c’est possible, et qu’on fasse appel à la responsabilité de chacun. Ils ne prennent pas exactement les mêmes mesures ? Il y a des cantons qui ferment les restaurants à 22 h, d’autres à 23 h, d’autres à minuit ? Et alors ? Penser globalement, agir localement, je croyais que c’était la sagesse, mais je commence à me sentir bien seul de mon avis.

C’est étrange. Quand on en appelle à la responsabilité individuelle, certaines personnes ont l’air de trouver que c’est une position de faiblesse. Mais les faibles, ce sont ceux et celles qui agissent n’importe comment tant qu’ils n’ont pas le couteau sur la gorge ou un gendarme dans leur dos. Et une fois que la contrainte est là, ils se rebiffent et disent tout le mal qu’ils pensent des mesures mises en place.

Cette attitude paraît plus présente en Suisse romande que du côté alémanique. Sommes-nous à ce point fascinés par la mentalité jacobine, par le centralisme français ? Par l’autorité de l’État qui devrait s’exercer d’en-haut ? Top-down intégral ?

Je trouve cela navrant. Et préoccupant.

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L’École d’Athènes et la plaque de chocolat performative

De passage à Lucerne, la semaine passée, j’ai visité le Musée des Beaux-Arts au quatrième étage du KKL. Il présentait entre autres l’exposition annuelle des artistes de la Suisse centrale, ainsi qu’une installation de Simon Ledergerber intitulée l’École d’Athènes (vidéo à voir en suivant le lien).

Simon Ledergerber, Die Schule von Athen. Photo Kunstmuseum Lucerne

Quand je pense à l’autre École d’Athènes, celle de Raphaël, qui est une allégorie de la philosophie, je trouve celle de Ledergerber bien peu peuplée. Mais qui sait si elle n’est pas en phase avec une certaine philosophie de notre époque, occupée à tourner en rond en grattant les murs à la recherche de traces anciennes ?

Raphaël, L’École d’Athènes, Palais du Vatican, Chambre de la signature. Image Wikipedia.

L’élément qui a vraiment retenu mon attention lors de ma visite était une table dans un couloir, où étaient disposées une douzaine de tablettes de chocolat avec une pièce de 5 francs, rappelant les cadeaux qui font plaisir aux enfants. Une information en deux langues posée sur la table invitait à en prendre une, à condition de l’offrir le jour même à une personne inconnue.

J’ai pris celle de la photo ci-dessus en me demandant à qui je pourrais bien la donner. Un SDF ? Un mendiant ? Ce serait parfait, mais je n’en ai pas vus. À cela s’ajoutait la crainte de devoir tout expliquer, le musée, la table, la consigne à observer. Celle d’essuyer un refus aussi : une tablette de chocolat est facile à accepter, mais il y avait la pièce de 5 francs.

Finalement, le bénéficiaire a été l’employé du wagon restaurant dans le train de Bâle à Berne (j’ai beaucoup voyagé ce jour-là). Il avait plusieurs repas à servir, il était stressé et il passait à côté de moi sans même me demander ce que je voulais. J’ai dû insister pour passer commande. J’étais irrité, il ne m’était pas sympathique. Je lui ai donné la plaque après avoir payé mes consommations, peu avant Berne, en lui disant qu’elle était pour lui, que c’était un cadeau, ein Geschenk. Et là, il a été transfiguré en homme content, souriant, heureux. Il m’a remercié plusieurs fois, et m’a encore apporté un espresso pour me remercier une fois de plus.

J’ai fait un cadeau qui ne m’a rien coûté, sauf qu’il m’engageait à faire quelque chose de précis. Celui qui l’a reçu s’est empressé de m’offrir quelque chose. Don, contre-don. Et l’occasion d’une expérience déstabilisante pour lui et pour moi.

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Le match chinois de Walter Bosshard et Robert Capa

Robert Capa (1913-1954) est un photographe bien connu. Celle de ses photos qui montre un milicien républicain fauché par une balle franquiste est devenue l’icône de la guerre civile espagnole.

Photo Robert Capa / Magnum photos

Capa a photographié tous les grands conflits de son époque, dont la guerre sino-japonaise, en même temps qu’un de ses collègues, le Suisse Walter Bosshard (1892-1975). La Fotostiftung de Winterthour permet de les redécouvrir. Le site L’œil de la photographie donne une description exhaustive de l’exposition La Course à la Chine.

Capa et Bosshard, devenus amis, étaient en concurrence pour une publication dans Life. Bosshard gagne la course. Il a une connaissance étendue du terrain, où il a déjà beaucoup voyagé et vécu; il s’intéresse à la vie des gens, à leur quotidien, à leurs souffrances. Il va là où personne ne va, avec un côté aventurier sans peur et sans reproche. Ses images de la Mandchourie révèlent un pays extraordinaire. Il va aussi visiter Yan’an, la “capitale rouge”, et il est le premier à publier un portrait de Mao Zedong.

Mao Zedong à Yan’an, par Walter Bosshard

 

Ses images de la guerre sino-japonaise montrent combien cette guerre a été meurtrière et destructrice. La Chine, politiquement divisée, ne parvient pas à résister à l’invasion japonaiose. Étonnamment, Bosshard a ses entrées aussi bien du côté japonais que du côté chinois et photographie les généraux des parties adverses. C’est du très bon photojournalisme.

Walter Bosshard: Japanischer Bombenangriff auf eine Bahnlinie, Hankou, 1938 © Fotostiftung Schweiz / Archiv für Zeitgeschichte

Capa n’a pas eu la latitude de mouvement dont jouissait Bosshard. Mais la différence saute aux yeux. L’exposition présente quelques-unes de ses photos. Les différences sautent aux yeux : il est meilleur dans la composition, meilleur dans le cadrage, et il y a presque toujours du mouvements dans ses images. Il raconte quelque chose quand Bosshard montre et décrit.

Robert Capa: Wounded soldiers, Tai’erzhuang, Xuzhou front, China, April 1938 © International Center of Photography / Magnum Photos

Mais l’exposition vaut une visite rien que pour Bosshard. Les photos de Capa en supplément.

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Co-working mobile

Je n’ai jamais loué d’espace de travail lors de mes déplacements : je préfère les wagons-restaurants. J’ai déjà expliqué ici que j’aime écrire dans les trains. Le mouvement, le défilement du paysage, le balancement des wagons me paraissent propices à l’invention des idées. Une place y coûte le prix d’un café et le personnel ne pousse pas à la consommation.

Les heures du matin sont les plus favorables. Je me suis trouvé plusieurs fois dans des trains où toutes les tables étaient occupées par des gens piochant sur le clavier de leur ordinateur. On travaille davantage sur Bienne-Genève que sur Bienne-Zurich, comme si les gens qui partent en voyage s’envolaient plus souvent de Zurich que de Genève.

L’après-midi, c’est différent. Davantage de retraités de retour de balade. Ou de gens stressés, par exemple cette femme, très élégante, qui n’a pas cessé de parler fort au téléphone entre Zurich et Olten, et en gesticulant. Business is business, mais on la préférerait dans son bureau, porte fermée. Je n’ai pas toujours envie de porter des écouteurs pour couvrir le bruit des voix. Vers le soir, quand les gens rentrent du travail, le niveau sonore augmente avec les bières .

Où peut-on travailler quand on n’est pas chez soi et qu’on est descendu du train ? Les bibliothèques sont silencieuses comme des églises. Sinon, en milieu de matinée et d’après-midi, les restaurants des supermarchés sont très bien.

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Le noir et les couleurs

Difficile de trouver des peintres plus différents de ce point de vue que Soulages et Delaunay. Soulages n’utilise pratiquement que le noir sur des toiles de très grand format, qui en sont parfois entièrement recouvertes.

Le noir s’anime dès qu’on se déplace. Le relief de la matière accroche la lumière et tout le tableau se met à vivre.

Delaunay, lui, joue sur les couleurs et ce qu’il appelle leur contraste simultané. Il les fait vibrer, chanter, tourner, dans un agencement qui donne l’impression du mouvement.

Dans les deux cas, c’est de la peinture pure. Les toiles de Soulages ne représentent rien, et Delaunay, la plupart du temps, est dans l’abstraction, même si on reconnaît ici ou là un bout de la Tour Eiffel ou le fragment d’une grande roue.

Il vaut vraiment la peine de se trouver devant les œuvres pour leur donner le temps d’irradier leur présence. Elles sont souvent de grand format, particulièrement chez Soulages. Les images ci-dessus ne leur rendent pas justice. Soulages est visible chez Gianadda à Martigny jusqu’au 25 novembre et Delaunay au Kunsthaus de Zurich jusqu’au 18 novembre.

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Tous les jours

Austin Kleon et Seth Godin sont des blogueurs fréquents, qui publient un billet chaque jour, tous les jours de l’année, et franchement, ils m’impressionnent. J’aimerais en être capable. Je les envie.

Sur les raisons de publier aussi souvent, voici un post de CJ Chilvers, qui donne une synthèse des avis de Seth Godin sur la question, et un billet d’Austin Kleon – à qui j’emprunte l’illustration ci-dessous. Désolé, ce sont encore des références en anglais. En français, Stephanie Booth publie fréquemment, mais pas forcément tous les jours – mais comme elle est bilingue, c’est parfois en anglais aussi.

Image empruntée au site austinkleon.com

Alors, bien sûr, chaque billet n’est pas un article de mille mots à la manière d’une dissertation avec des images et des liens, quoique cela arrive. C’est souvent plus bref, l’expression d’une idée, d’un point de vue sur un événement, une lecture, une intuition.

Beaucoup de gens font cela dans Twitter ou dans Facebook, avec l’impression de retrouver des amis. Mais la multiplication des scandales liés à Facebook et les dérives nauséabondes de Twitter sont de bonnes raisons de préférer le blog, que l’on gère soi-même en toute indépendance. Et tant pis si on n’a pas de « Like » et si les lecteurs potentiels sont moins nombreux.

Pour mieux suivre des blogs, il existe des agrégateurs RSS qui collectent les derniers billets des gens qui nous intéressent. Sur Mac et iOS, j’utilise Feeder. Autrefois, le meilleur était Google Reader. Google a supprimé ce service. Google ne veut plus qu’on lise des blogs. Facebook non plus.

Au fond, tenir un blog et suivre d’autres blogs, c’est comme entrer en résistance.

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La politique du reptile

Dimanche dernier, l’initiative pour des aliments équitables a été rejetée avec 61,3% de non, et celle pour une souveraineté alimentaire exigeant une agriculture écologique et sans OGM a été refusée par 68,37% des votants.

Or, lors du premier sondage réalisé au début du mois d’août, on prévoyait une acceptation massive de ces deux initiatives, la première recueillant 78% d’opinions favorables, et la seconde 75%.

Le contraste est saisissant. Que s’est-il donc passé ? 

On a souligné que si les initiatives ont été acceptées en Suisse romande, la Suisse alémanique les a largement refusées. Mais là n’est pas le problème que je veux soulever.

Dans les deux cas, il est question d’alimentation, de nourriture. C’est un thème vital. Chacun se sent concerné. La plupart des gens ne veulent pas d’aliments inéquitables, ni une agriculture brutale, bourrée de pesticides et d’OGM, ce que le premier sondage a mis en évidence. Dès lors, les adversaires des projets ont mis en oeuvre une technique redoutablement efficace, celle qui consiste à faire peur. 

En gare d’Olten, 24 septembre 2018.

Peur de manquer, peur de ne plus trouver certains produits, peur de payer davantage pour son alimentation, peur de devoir renoncer à d’autres choses, par exemple à certains loisirs. L’affiche est réussie : une triste pénurie dans les assiettes, on sent le vinaigre du cornichon qui forme la bouche, le brocoli dans le nez, et la tristesse du regard, tout cela sur fond vert. Pas de produits animaux, même les patates ont disparu. L’agence de pub a fait du bon travail.

La théorie du cerveau triunique fournit un éclairage possible de ce qui nous intéresse ici. Le cerveau humain serait composé de trois couches qui se sont superposées au cours de l’évolution. À la base, le cerveau reptilien, commun à tous les animaux, commande les fonctions de base : survie, fuite, peur, plaisir. S’y superpose, chez les mammifères, le cerveau limbique (mémoire et émotions), puis, chez l’homme, le cortex rationnel. Cette théorie est critiquée par de nombreux scientifiques, mais a le mérite d’être facile à comprendre.

Image trouvée sur le site https://chiensetsport.com

Alors que la politique devrait s’adresser à notre cerveau rationnel, celui qui analyse, examine et prend ses décisions en fonctions de critères et de valeurs clairs, les adversaires des initiatives ont cherché à désactiver la raison en stimulant le cerveau reptilien (peur de manquer) et le limbique (peur de perdre de l’argent, des plaisirs et des gratifications).

Procédé classique et indigne, qui contribue à éloigner encore un peu plus les citoyens du souci du bien commun. Il est temps de relire le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Robert-Vincent Joule et
Jean-Léon Beauvois.