Tant qu’à faire, il faut faire, il faut se donner cette exigence, jour après jour, de poser les mots après les mots pour garder vivant ce processus bizarre qu’est l’écriture. Comme une création qui doit se poursuivre indéfiniment pour ne pas retomber dans le néant. Et donc, sans l’avoir délibéré, prévu ni planifié, poser un mot après l’autre pour dévoiler la suite de l’histoire, de la réflexion, de l’invention. Si je renonce à cette exigence, je me laisse aller à ma pente paresseuse, je renonce à avancer et à découvrir ce que ma phrase va, en fin de compte, exprimer, rendant la suivante possible, et une autre après elle. L’histoire, la réflexion, la découverte ne viennent pas toutes seules : il faut tirer sur le fil pour alimenter la suite, comme la personne qui tricote continue de tirer sur sa pelote pour augmenter le pull d’une rang, puis d’un autre, jusqu’à ce qu’il soit complètement réalisé. Sauf qu’elle a un projet précis, un patron, un modèle. Tel n’est pas toujours le cas dans le processus de l’écriture.
Dans la création, le processus est plus important que le résultat final. Impossible de produire de l’excellent à tous les coups. Il y a des échecs, des ratages, des amélirations, quelques réussites encourageantes. Je le vois en tant que participant aux défis hebdomadaires du site 52frames, qui propose aux gens qui aiment la photo de poster chaque semaine une image prise la semaine même, sur un thème imposé. Un compteur automatique indique le nombre de semaines consécutives pendant lesquelles on a relevé le défi. Les participants sont invités à commenter les photos des autres, et une forme de communauté se créée. On voit bien que toutes les photos postées par les autres ne sont pas des chefs-d’oeuvre, et du coup on se gêne moins d’envoyer une image moyenne.
Mais mieux vaut une image moyenne, ou faible, que rien du tout : voilà le secret.