Quelques-unes des questions qu’on me pose, avec mes réponses.
Vous avez donc écrit un roman d’amour sur Chasseral ?
J’aime Chasseral, cette montagne que je vois presque tous les jours, mais mon livre n’est pas un roman d’amour. Chasseral est un endroit important pour un des personnages du roman, et l’épilogue se déroule dans cette antenne tellement caractéristique du lieu. En dire davantage serait priver les lecteurs du plaisir de la découverte.
Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
J’ai publié deux essais où, en tant que philosophe, j’avais à étayer et justifier toutes les idées que j’avançais. Après cela, j’ai eu envie de changer de genre en racontant une histoire. Je lui ai donné un ancrage local : l’action se situe dans le Jura bernois et à Bienne. Mes personnages sont nés là. Je les ai confrontés à des situations difficiles, parfois extrêmes. Je pense par exemple à Daniel, faussement accusé du viol d’une de ses élèves, qui va tout perdre en peu de temps. Comme romancier, j’ai expérimenté, j’ai essayé d’imaginer comment on peut vivre ce genre de situation, comment on peut éventuellement s’en relever. Pareil pour les autres personnages. Par l’écriture, on les fait vivre, on vit au travers d’eux, on se projette dans leurs situations, et on leur laisse la place de vivre leur vie propre. C’est un recueil d’expériences par procuration, tant pour les lecteurs que pour l’auteur.
À quel genre votre roman appartient-il ?
Suivant le regard qu’on porte sur lui, c’est un roman régional dans la mesure où quelqu’un qui ne connaît pas Chasseral ne verra pas les mêmes images. Cela dit, nous ne faisons pas moins partie de l’humanité ici qu’ailleurs, et nos petites histoires recoupent des situations qui dépassent la région. J’ai aussi voulu écrire un thriller, un roman qu’on a de la peine à lâcher avant de l’avoir terminé. Bref, un roman noir ou un thriller régional, comme vous voudrez.
Avec beaucoup de morts ?
Non, je n’ai pas multiplié les cadavres. Il y a des épisodes durs, violents et éprouvants, mais je n’ai pas voulu me complaire dans le glauque, le trash, le gore ou les torrents d’hémoglobine.
Est-un un roman autobiographique ?
Pas du tout. L’histoire que je raconte ne correspond à aucun événement qui se soit passé ainsi. Je n’ai jamais vécu ce que je fais vivre au personnage principal. J’ai été enseignant, comme lui, mais dans d’autres disciplines, au gymnase alors qu’il est maître secondaire. Certaines de ses réactions ressemblent aux miennes. Je pense qu’on crée en partie à partir de soi, mais que l’observation, l’imagination et le travail d’écriture font l’essentiel à partir de ces données.
Au fond, qu’est-ce que vous avez voulu dire ?
Un roman n’est pas là pour lancer un message particulier. C’est un objet que le lecteur ou la lectrice découvre et s’approprie, en lui donnant ou non un sens, selon sa liberté. Bien sûr, il y a un contenu, des situations qui donnent à réfléchir, des personnages qui cherchent leur chemin en essayant de discerner des directions possibles et en faisant des choix, qui ne sont pas forcément les meilleurs.
Tout le monde veut le bien, ou au moins son propre bien, mais ça ne suffit pas. Tous les enseignants dont parle le livre font consciencieusement leur travail, mais dans les faits, le rendement de leurs efforts est faible, parfois nul. Une partie du drame du livre vient des habitudes et de la routine. C’est le tragique de notre situation que de s’efforcer au bien et de le manquer, voire de provoquer des catastrophes. Mes personnages vivent ces paradoxes dans leur chair.
Alors, tout est sombre chez vous ?
Non. C’est la tonalité fondamentale, parce que le monde est ainsi fait, mais il y a des motifs d’espérance – et quelques traits d’humour. Des percées de lumière sont possibles. Notre région est faite de vallées, mais il n’y a pas de vallées sans montagnes, parmi lesquelles Chasseral, la plus haute. J’invite les lecteurs à découvrir pourquoi elle est si importante pour un des personnages du livre. Peut-être penseront-ils à ce personnage chaque fois qu’ils verront Chasseral et son antenne.