Dans l’air du temps

Jean François Jobin

Archives (page 14 of 18)

FOMO

FOMO : Fear Of Missing Out. Cela pourrait traduire par CDMQC (la crainte de manquer quelque chose) ou par CDRUO (la crainte de rater une occasion), mais je vais faire comme tout le monde et utiliser l’acronyme anglais. Le terme FOMO semble avoir été popularisé par un article de Jenna Wortham dans le New York Times en 2012. C’est donc déjà un vieux concept, au train où vont les choses.

Des études ont montré que la FOMO est en corrélation avec l’usage des réseaux sociaux, sans qu’on puisse déterminer clairement si leur usage provoque la FOMO, ou si, au contraire, la FOMO favorise l’usage des réseaux sociaux.

Quoi qu’il en soit, deux aspects sont à relever.

Premièrement, ce que désigne la FOMO est très ancien et même ne peut plus vieux, puisque c’est probablement un des ingrédients de la tentation. Que diriez-vous de devenir comme des dieux? Occasion unique ! Facile! Vous mangez de ceci et ça sera fait. Non, ce n’est pas une drogue, juste un fruit dont on se demande bien pourquoi il est défendu. Moi, j’aurais essayé, pas vous ? C’est la jonction de la crainte de louper quelque chose avec notre hyperconnexion permanente qui lui a redonné une nouvelle jeunesse.

En deuxième lieu, la FOMO fournit une bonne illustration du mimétisme du désir. Nous désirons ce que d’autres désirent (et réalisent). Un objet que personne ne désire suscite l’indifférence. À force d’apprendre sur facebook les choses fabuleuses que font nos chers amis, nous nous mettons à désirer ces choses qui nous étaient indifférentes l’instant d’avant, et c’est évidemment frustrant.

Si Twitter Facebook & Co apparaissent comme des tourniquets des désirs et du mimétisme, alors la FOMO pourrait indiquer que nous craignons de ne pas savoir ce qui est désirable. La FOMO – symptôme de la peur du vide.

La quadrature de la rondelle

En France, les esprits s’enflamment autour d’un projet d’article de loi qui veut permettre, par exception, d’enseigner en anglais à l’université. Un projet de loi est débattu à l’Assemblée nationale (Le Temps, 23 mai 2013).

En cause, la défense de la langue française et le rayonnement de la France dans le monde, comme si seule la langue française pouvait être porteuse des valeurs de la France. Certains craignent «une forme de capitulation ou de colonisation absolument incroyable» alors que d’autres en appellent au réalisme : en sciences, la plupart des travaux et des échanges entre chercheurs se font en anglais.

Nous n’avons plus ces problèmes en Suisse, comme en témoigne l’image que voici :

Chez nous, les disques peuvent être carrés sans faire problème. Trois des quatre langues nationales sont représentées sur l’emballage de ce produit. En prime, l’anglais pointe le bout de son nez dans la dénomination allemande du produit : ces disques d’ouate sont des pads, des tampons. Et ils sont carrés, c’est dit en français, sans toutefois l’accord de l’adjectif. En deux mots, le rédacteur alémanique de la Migros a réussi à utiliser trois langues : l’allemand, l’anglais et le français. C’est très fort. Qui a dit que la Suisse n’est pas plurilingue ?

Mais qu’importe, c’est du coton bio. Il ne devrait pas provoquer d’effets secondaires indésirables.

Big Google is watching you

Pas de longs développements aujourd’hui, simplement deux ou trois éléments dans la foulée du billet consacré aux lunettes Google le 25 avril dernier.

Google Play for Education

Tout d’abord une nouvelle toute chaude, qui réjouira certains et en préoccupera d’autres. Google propose maintenant Google Play for Education. Google Play, c’est l’équivalent de l’App Store d’Apple pour les smartphones et tabletttes qui fonctionnent sous Android. L’avance prise dans ce domaine par Apple avec l’iPhone et l’iPad est menacée.

Grâce à cet outil, les enseignants auront les outils pour propulser le contenu éducatif sur les périphériques mobiles de leurs élèves, tels que des livres, des applications, des vidéos YouTube, et autres. Bien sûr, le contenu sera trié en fonction du sujet et de la nuance recherchée. Cela nécessite évidemment que tous les élèves disposent d’un compte Google.

L’important, c’est la dernière phrase. Tous les élèves et tous les enseignants vont-il être obligés d’avoir un compte Google par décision de telle ou telle autorité scolaire ?

Et si on se passait de Google ?

Le deuxième élément, c’est un article paru récemment sur France TV Info : Comment empêcher Google de vous pister en ligne ? Il contient des indications pratiques pour mesurer ce que Google sait de vous (il en sait plus que vous ne le pensez), des recommandations pour limiter ses traces et des propositions de solutions de remplacement.

Une dernière information pour montrer qu’on peut avoir des raisons de s’inquiéter. Le 2 mai dernier, Google a déposé un brevet pour contrôler automatiquement ce qu’écrit un utilisateur de façon à informer une tierce personne (qui donc ?) en cas de violation d’une règle privée ou publique. Ça devient urgent de cesser d’utiliser Gmail pour son courrier : Big Google ne se contente plus de lire vos mails, il regarde ce que vous écrivez… Pour en savoir plus, lisez l’article de 01net.

Cantonnier de la Voie royale

L’interview est un art difficile. J’ai toujours préféré poser les questions plutôt que d’être celui à qui on les adresse. Mais voilà, maintenant, c’est à moi de répondre. Quand je suis dans cette situation, toutes mes idées me désertent et j’ai mille peine à les rattraper pour composer une réponse qui se tienne à peu près. Je reste un homme de l’écrit : premier jet, réécriture, correction, reprise, réarrangement des mots et des phrases jusqu’à obtenir une expression satisfaisante de mes idées : voilà comment j’aime communiquer.

Ce préambule est là pour vous présenter une interview de moi par Serge Carrel à propos de La Sagesse ou la Vie. Vous pouvez lire sa présentation sur le site de la FREE ou regarder directement l’interview en cliquant dans l’image. Durée : 15:05.

Plusieurs questions tournent autour de mon ambition d’être un « cantonnier de la Voie royale », c’est-à-dire un critique des préjugés qui encombrent le chemin menant à la foi. C’est effectivement le propos principal de mon livre. Si mes réponses dans l’interview vous paraissent trop courtes, pas de problème : la version longue est dans La Sagesse ou la Vie.

L’adieu aux cigares

Pour fêter mon anniversaire à ma manière, j’ai décidé de m’offrir un très bon cigare, le premier depuis que j’ai arrêté d’en fumer, peu avant Noël, quand j’ai dû m’y résoudre par égard pour ma santé. Je me disais cependant que deux ou trois dans l’année porteraient moins à conséquence qu’un ou deux par jour, et je m’étais promis d’attendre mon anniversaire pour en reprendre un.

L’occasion réclamant de la qualité, j’ai acheté un Cohiba. Je l’ai allumé dans le garage, à l’abri des courants d’air. Un bel allumage, homogène, reconnaissable à la mince bague de cendre grise qui s’est dessinée. Puis je me suis installé sur la terrasse, avec un café et une grappa.

La douceur de la fumée m’a surpris. J’avais oublié que les cigares de bon diamètre sont plus moelleux que les autres. Presque une déception : j’aime le fort, le bien aromatique, le profond, mais je savais d’expérience qu’il suffisait d’attendre : après le foin vient le divin, disent les amateurs. Et après le divin, le purin du dernier tiers, sauf qu’il y a des trucs pour rattraper la situation et fumer le reste jusqu’à s’en brûler les doigts.

Autour de moi, la rumeur du vent dans les arbres, le chant de quelques oiseaux, les premières fleurs se balançant dans la brise, le soleil, déjà chaud pour la saison. Le cigare, bien construit, se consumait régulièrement, un vrai bonheur. La fumée gagnait en intensité. Que demander de plus ? Un beau moment à vivre, un moment rare. Je faisais des projets : l’an prochain, un autre, et ainsi de suite, pour marquer chaque nouvelle année. Il y aurait certainement d’autres occasions dans l’intervalle. La chaleur, la fumée et la grappa conjuguaient leurs effets pour mon plaisir. Pourtant, peu à peu, une autre idée se faisait jour : c’est mon dernier cigare, il n’y en aura plus d’autres.

Je l’ai tiré jusqu’au bout, sans regret. Quand je suis allé jeter le mégot et les cendres au compostier, j’ai respiré profondément, comme si la fumée avait réveillé des recoins de mes poumons dont je ne soupçonnais plus l’existence.

Les cigares m’ont souvent porté à des méditations – forcément fumeuses – sur la vie et la mort. Le cigare meurt après avoir livré ses arômes et sa charge de nicotine. C’était encore plus vrai de celui-ci, à cause du supplément d’irréversibilité que lui a donné ma décision mûrie au long des dernières bouffées : c’est le dernier, je dis adieu aux cigares.

Ramuz disait que c’est parce que tout doit mourir que tout est si beau. Mon dernier cigare s’est éteint après m’avoir offert un beau moment. Il a mis fin à la série de ses semblables. Je peux continuer de vivre sans eux.

Cassez vos lunettes

La technologie, j’aime. Les nouveautés, j’aime. Mais certaines sont plus flippantes que d’autres. Concernant la ou le Google Glass, la fascination est grande, la crainte plus grande encore.

Dans la branche droite de cette paire de lunettes se loge une caméra vidéo, un micro et un petit projecteur vidéo destiné au porteur ou à la porteuse de ces lunettes. Si vous voulez savoir ce qu’on ressent en les portant et ce que c’est capable de faire, il suffit de cliquer sur un de ces liens.

Ce qui me frappe, c’est le caractère résolument intrusif de ces lunettes. Si leur usage se généralise, ce qui reste encore de la vie privée va probablement disparaître et tout le monde sera invité à sourire de manière un peu crispée, puisqu’à tout moment on pourra être filmé, photographié et enregistré. En regard (si j’ose dire), les caméras de surveillance des espaces publics ne seront plus qu’une aimable plaisanterie.

Plus grave encore, tout ce qui passera par les Google Glasses sera enregistré dans les serveurs de Google. Pas grave, diront certains : nous dépendons déjà tellement de l’informatique dans le nuage que ce supplément n’est que la continuation de ce que nous connaissons, et on ne voit plus tellement comment faire autrement. Notre courrier y est stocké, nos photos également, à quoi il faut ajouter des documents partagés et nos sauvegardes sur DropBox ou iCloud. C’est facile, agréable, ça se fait sans peine et ça synchronise nos calendriers, courriels et autres agendas entre les appareils dont nous nous servons.

Bientôt, Google pourra donc non seulement connaître notre courrier, les pages web que nous visitons, notre emploi du temps, nos documents dans le nuage, nos déplacements et tout ce que d’autres ont dit ou écrit de nous, mais aussi voir comme par nos yeux, écouter comme par nos oreilles ce que nous faisons, les gens que nous rencontrons, le milieu dans lequel nous vivons, les propos que nous échangeons. Et stocker tout cela pendant des années sur ses serveurs.

D0n’t be evil, ne soyez pas malveillants, recommande la devise de Google. Google est cool, Google ne veut pas faire de mal, Google veut rendre le monde meilleur. On ne demande qu’à le croire. Mais Google peut changer de devise, Google peut décider subitement d’utiliser autrement l’omniscience dont il dispose (comme il a décidé de supprimer le service Google Reader). Et si un jour devait surgir un gouvernement totalitaire, nul doute qu’il ne contraindrait Google à fournir ses données pour déterminer qui est bon et qui est mauvais citoyen. Cool, non ?

Surréalisme

L’attentat de Boston nous choque, et pourtant il y a des dizaines d’attentats chaque année dans le monde plus meurtriers que celui-là. Qu’a-t-il de particulier ?

On imagine sans peine les marathoniens épuisés qui terminent leurs 42 kilomètres, attendus par leurs amis et leur famille venus les féliciter et se réjouir avec eux. Soudain, deux bombes explosent. Trois morts, du sang partout, des cris, des larmes, des dizaines de personnes grièvement blessées, dont plusieurs devront subir une amputation. Des bombes sales, faites pour tuer ou causer des blessures très graves, pour semer la désolation, placées là où la foule est la plus dense, là où elles peuvent causer le maximum de ravages.

Après l’attentat (image Keystone)

La plupart du temps, les attentats ont un côté par lequel on croit pouvoir les saisir : ils servent à défendre une cause, à démoraliser une population, à assouvir une vengeance, à affaiblir un pouvoir. Ils sacrifient des êtres humains qui n’ont absolument aucune part à leur combat pour donner de l’impact à leurs revendications et faire pression par la crainte qu’ils comptent bien inspirer. Au risque du ridicule (qui ne tue pas, au contraire des attentats), il faut rappeler que c’est parfaitement immoral. Pour Kant, instrumentaliser un autre être humain ou, selon des termes plus proches des siens, ne pas respecter l’humanité chez les autres et chez soi-même, utiliser des hommes et des femmes simplement comme des moyens en vue d’obtenir quelque chose, c’est exactement l’immoralité. Elle est dans les attentats, mais aussi dans les prises d’otages, et même dans les grèves de la faim, où le gréviste instrumentalise sa propre humanité pour faire pression sur les autorités, qui ne cèdent d’ailleurs pas toujours.

Pour en revenir à l’attentat de Boston, on ne sait pas encore qui l’a commis, ni pourquoi. Il n’a pas été revendiqué, comme si on voulait donner l’impression d’une fatalité, d’un événement sans auteur, sans motif, sans justification. Cette incertitude ajoute un caractère d’inquiétante étrangeté à l’horreur qu’on éprouve. On ne comprend qu’une chose : voilà le mal à l’état pur, dans toute sa hideur. Nous n’avons même pas matière à porter une condamnation morale et c’est ce qui le rend un peu surréaliste, dans le mauvais sens du terme. Je pense à la fameuse phrase qu’André Breton n’a pas craint de publier en 1930 :

L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule.

Eh bien, nous vivons une époque tout simplement surréaliste.

FSE17-3

Répondre aux grandes objections faites à la foi chrétienne

La pluralité des religions

C’est un fait. Il y a des religions sur toute la face de la terre, certaines plus importantes que d’autres. Christianisme, islam, judaïsme, hindouisme, bouddhisme si on le considère comme une religion, etc. Il y a des conflits entre ces religions, et des conflits entre les différents courants au sein d’une même religion. Il y a même des conflits au sein d’un courant particulier du christianisme. (Il doit y avoir de l’homme là-dedans.) Il y a des conversions d’une religion à l’autre. On médiatise davantage les conversions de chrétiens (de chrétiennes?) à l’islam que les autres. Il y a des mystiques dans toutes les grandes religions également.

Du coup, les athées et les agnostiques ont beau jeu de faire valoir cet argument. Pourquoi le christianisme plutôt que l’hindouisme, pourquoi ne pas se contenter, après tout, d’une spiritualité laïque qui garderait les valeurs qui se retrouvent dans les différents courants en éliminant ce qui génère des conflits ? Pourquoi pas le théisme ? Ou pourquoi ne pas simplement se conformer à la religion dominante de l’endroit où l’on vit ?

C’est qu’on ne croit pas à telle religion, mais, comme l’a écrit Pascal, au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au père de Jésus-Christ, à un Dieu personnel avec qui on peut entrer en relation. Responsables et redevables de la révélation que nous avons reçue.

Bien entendu, affirmer qu’on a la « vraie religion » disqualifie aussitôt les autres. Croire qu’on détient la vérité rend orgueilleux et méprisant. Mais les religions sont (ou devraient être) en débat. Nous devons annoncer la bonne nouvelle : la recevra qui voudra, qui pourra, à condition de l’avoir entendue. Au Saint-Esprit de faire le travail de conviction intérieure chez la personne.

J’ignore comment les choses se passeront au jugement dernier. Je fais confiance à Dieu, dont je crois qu’il est juste. On verra bien. Aimons Dieu et notre prochain, et veillons sur nous-mêmes.

L’existence du mal

Il faudrait donc faire une théodicée, une justification de Dieu… Qui sommes-nous pour tenter une chose pareille ?

Tout le monde croit savoir spontanément ce que c’est que le mal, mais quelle définition au fait ? Poser la question ici revient à considérer le mal comme l’effet d’une volonté – ou d’un manque de volonté – de la part de Dieu.

Dans les croyances populaires, les grandes catastrophes naturelles (tsunamis, inondations, éruptions, tremblements de terre) frappent beaucoup quand elles surviennent à cause des grandes souffrances qu’elles engendrent, et beaucoup se demandent alors pourquoi le « bon Dieu » permet des choses pareilles. C’est une question difficile.

Les justifications philosophiques

En voici quelques-unes; jugez si elles sont convaincantes :

  • s’il n’y avait pas de mal, on ne saurait pas qu’il y a du bien : le mal comme une sorte de révélateur du bien
  • globalement, tout est bien, mais notre perception est trop partielle pour que nous puissions nous en rendre compte (Leibniz, voir sa satire dans le Candide de Voltaire)
  • le mal (comme le bien) en tant qu’il est extérieur à notre volonté, fait partie des choses qui ne dépendent pas de nous et sur lesquelles nous n’avons aucune prise (stoïciens); elles arrivent que nous le voulions ou non; il faut donc travailler sur nos représentations, sur l’idée que nous nous en faisons pour souffrir moins. Et donc ne pas se plaindre si on doit passer dans le taureau de Phalaris…
  • le mal provient d’un défaut de connaissance, car « nul n’est méchant volontairement » (Socrate); or il suffit de bien juger pour bien faire (Descartes)
  • dans une perspective dialectique, le mal est le négatif, l’antithèse qui doit être dépassée, et il constitue une partie du moteur de l’histoire et une condition du progrès.

Les justifications bibliques

Elles évidemment à saisir par la foi, mais ne sont pas plus faibles que les philosophiques.

  • Pour une part, l’existence du mal est une conséquence de la liberté humaine d’agir de manière autonome, c’est-à-dire en particulier de déterminer soi-même ce qu’est le bien et le mal. « Vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal » – le terme connaître est fort, puisqu’il s’applique aussi à une relation sexuelle. Il s’agit donc du péché.
  • Pour une autre part, la création entière soupire après la révélation des fils de Dieu. Prophétie d’Esaïe. Peut-être les catastrophes naturelles peuvent-elle prendre une place ici.

Et, oui, Dieu laisse faire, et ça peut aller très très loin.

Si on résume : le tsunami sur le Japon il y a deux ans serait imputable à la nature déchue (à cause de l’homme) et la catastrophe nucléaire davantage à l’homme directement.

Autre chose : le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Et je n’ai vu nulle part Jésus dénier à Satan son titre de prince de ce monde. C’est pourquoi nous qui y vivons devons nous considérer comme étrangers et voyageurs sur cette terre, ambassadeurs du Christ, tout en y étant sel (empêcher la corruption) et lumière dans ses ténèbres.

L’existence de Dieu (et d’un Dieu d’amour) n’est pas en contradiction avec l’existence du mal. La bénédiction du Seigneur ne signifie pas automatiquement que j’aurai une vie dans problèmes ni épreuves, ni la réalisation du royaume de Dieu dans ma propre vie. La foi qui nous est demandée, c’est la confiance et la fidélité, deux termes qui viennent du même mot fides. Et nous sommes prévenus que notre foi doit être éprouvée pour voir si elle tient le coup dans les mauvais jours.

Violence et fanatisme

NPO que jusqu’à la Réforme, notre histoire s’est confondue avec celle de l’église de Rome, qui était alors bien plus catholique et encore plus avant le schisme de 1054.

Reconnaître le fait que violence et fanatisme ont été effectivement liés à la religion au point de générer des guerres de religion entre chrétiens – et le déplorer.

Admettre que des scandales et des horreurs ont eu lieu sous le couvert de la religion (pédophilie, délits sexuels, abus spirituels, enrichissement par abus de faiblesse, etc.) – et le déplorer. Un chrétien n’en est pas moins un homme, et Pascal prévient que qui veut faire l’ange fait la bête. Tous les chrétiens sont des pécheurs, pardonnés certes, mais le pardon n’a pas de sens s’il n’y a pas péché préalable.

Remarquer cependant que très souvent, les princes ont utilisé le levier de la religion pour utiliser la ferveur des gens à des fins politiques (conquêtes, maintien au pouvoir, etc., ou pour avoir la paix – l’opium du peuple). Manoeuvre facilitée par le fait que la Biblie enseigne la soumission aux autorités.

Remarquer aussi que les horreurs les plus monstrueuses du XXe siècle ont été commises par des régimes hostiles au christianisme : nazisme, stalinisme, maoïsme et autres. Toute horreur n’est donc pas automatiquement imputable au christianisme, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire.

Nous n’avons pas la vérité, mais nous sommes de la vérité et nous pouvons en témoigner.

C’est pour les faibles / c’est trop facile

C’est quand on est faible que les défenses tombent, que l’armure a des défauts et que l’orgueil cesse de rendre étanche à toute autre solution que la mienne. C’est pourquoi souvent c’est dans ces moments-là qu’on devient capable de se tourner vers Dieu et de recevoir quelque chose de lui.

Quand on lit l’histoire des héros de la foi, on n’a pas le sentiment que ce soient des faibles. Une fois qu’on a accepté le salut en Christ, la marche avec lui commence, et ce n’est pas forcément facile. On doit même remercier pour les épreuves…

Le christianisme est hostile à la vie

À quelle vie, au fait ? Il y a sans doute des formes de légalisme qui enferment les gens, mais c’est un problème qui peut être réglé par un enseignement adapté. Si c’est à la vie du fêtard, du viveur, de celui ou celle qui ne se fixe aucune limite dans ses aventures et ses débordements, sans doute oui. Mais cela, n’est-ce pas une caricature de la vie authentique ? N’est-ce pas la vie que mènent les personnes privées de toute espérance et dont la priorité est de collectionner les instants précieux et les conquêtes de toute sorte ? Même les sages de l’Antiquité n’avaient pas de mots assez forts pour stigmatiser ce genre de conduite.

Nous ferions mieux d’apprendre à résister à la manière habituelle et mondaine de comprendre la vie. D’essayer de comprendre les choses comme elles se présentent du point de vue de Dieu, de comprendre que la vie selon l’Esprit est bien plus riche que la vie selon la chair, même si le chemin qui y mène est bien plus étroit. Bref, tendre à donner davantage de place à la vie de Dieu en nous.

Si nous lâchons la sagesse de la connaissance pour nous intéresser à la vie dans sa réalité affective, éprouvée très concrètement, nous pouvons la découvrir comme quelque chose qui ne vient pas de nous, en quoi nous sommes, qui nous a engendrés, quelque chose qui manifeste Dieu. Laisser l’arbre de la connaissance qui fige et asservit et nous rapprocher de l’arbre de vie…

Aller à FSE 17-1 / FSE 17-2

Lien vers la conférence d’Alain de Botton sur l’athéisme 2.0

Les robots ont-ils des droits ?

100% humains ?

Vers la fin du deuxième épisode de la série TV Real Humans (sur Arte en ce moment, avec site de vente en ligne !), des hubots (robots humains) fugitifs entrent dans une église. Ces hubots appartiennent à une série plus perfectionnée que le hubot d’entrée de gamme, qui fait les courses et le ménage ou a remplacé les manutentionnaires dans les usines. Plus perfectionnée encore que celle des hubots capables d’entrer en relation plus suivie avec les humains, au point de constituer des partenaires amoureux ou sexuels plus fiables et performants que l’humain moyen. Ils sont en effet capables de réfléchir sur leur situation, de faire des choix autonomes. Il est difficile de les distinguer de l’humain standard, sauf qu’ils sont en général nettement plus beaux et paraissent plus équilibrés et avisés dans leurs comportements.

Ils entrent dans cette église pour recharger leurs batteries. Ça n’est pas sans ironie envers les gens qui fréquentent ces lieux. En entrant, ils découvrent un grand crucifix. Ils réagissent par l’indifférence ou le dégoût, sauf un chez qui la vue du Christ crucifié éveille un début de sentiment religieux.

Clones

Cet épisode m’a rappelé un roman de Jean-Michel Truong, Reproduction interdite (1988), lu il y a des années. Il n’y est pas question de robots, mais de clones, doubles physiologiques jeunes de personnages célèbres, hommes et femmes politiques, capitaines d’industrie, comédiens et comédiennes, et de toutes les personnes assez riches pour payer la production et l’entretien de ces clones d’eux-mêmes. Ils sont parqués dans des centres où l’on évite soigneusement de leur enseigner quoi que ce soit, pour éviter d’en faire des êtres de cultures, donc des êtres humains. En effet, il ne serait plus possible de les utiliser comme des organismes sur lesquels on peut, sans conflit moral, prélever des organes pour les transplanter dans leurs « originaux » en cas de besoin, avec l’avantage qu’il n’y a aucun phénomène de rejet de la greffe.

Bien entendu, il y a des dérapages. Les doubles physiologiques des belles comédiennes font fantasmer certains clients, et un lupanar clandestin est mis en place. Vers la fin du roman, on découvre que les clones commencent à être autre chose que des organismes au cerveau vide. Certains se rassemblent la nuit et produisent des mélopées troublantes qui font penser à des chants religieux. Ici aussi, la découverte d’une transcendance indique leur accession à une pleine humanité.

Animaux ?

Bien avant Truong, Vercors avait publié, en 1952, Les animaux dénaturés en se posant un problème analogue. Il imaginait dans ce roman philosophique que des anthropologues ont découvert le « chaînon manquant » entre le singe et l’homme, non à l’état de fossile, mais de peuplade vivante. Dociles, aimables, travailleurs, enseignables, les « tropis » sont rapidement exploités comme des esclaves. Pourquoi s’en émouvoir ? Ce sont des animaux. Mais ce n’est pas aussi simple, et la suite du roman tourne autour de la manière d’établir une distinction claire entre l’homme et l’animal, ce qui suppose une réponse claire à la question « Qu’est-ce que l’homme ? ». La femme du juge chargé de l’affaire lui demande un jour si les tropis ont des grigris. S’ils en ont, alors ils ont une forme de conscience religieuse et doivent être considérés comme des hommes. Et ils en ont.

J’ignore quelles sont les convictions religieuses des auteurs de Real humans, de Truong ou de Vercors, si tant est qu’ils en aient, mais je trouve remarquable que, dans les trois cas, ce quelque chose que j’appelle une conscience religieuse soit retenu comme trait distinctif de l’humanité.

Personnalité juridique

Muni de ces quelques réflexions, je commence à entrevoir une proposition que je pourrais transmettre à Alain Bensoussan, qui propose de créer un statut juridique pour les robots :

Avec l’introduction d’une intelligence artificielle, le robot acquiert un degré d’autonomie de plus en plus grand. Il est aujourd’hui capable de réagir seul à l’environnement et à un certain degré d’imprévu. Or le robot n’a pas encore de place dans notre système juridique et n’a par conséquent ni droit ni obligation.

Bien entendu, sa proposition ne paraît bizarre que si l’on oublie tous les travaux visant la protection juridique des animaux et même des plantes. Néanmoins, je lui suggère d’attendre que l’on ait des signes clairs de l’apparition d’une conscience religieuse chez les robots pour les considérer comme sujets de droit. Pourquoi ? Parce que très souvent, quand les hommes doivent travailler et agir comme des robots, sous les injonctions de la pub et des médias, leur conscience religieuse s’en ressent.

FSE17-2

À la découverte de philosophes qui ont pensé en chrétiens

Blaise Pascal

Génie précoce, orgueil de la connaissance

La nuit du mémorial

Changement de vie : tout pour son engagement chrétien

Les Provinciales pour lutter contre le christianisme facile des Jésuites

Les Pensées et le pari pour toucher les libertins

Søren Kierkegaard

Une enfance particulière

La subjectivité est la vérité, contre le système

Les pseudonymes et la vérité

Les trois stades, c’est-à-dire trois attitudes, trois postures existentielles

L’Instant

Léon Chestov

Athènes et Jérusalem – la connaissance et la foi

Le taureau de Phalaris, le critère de la sagesse, forcément héroïque, et la sagesse suprême résumée dans cette phrase de Spinoza : Ne pas rire, ne pas se lamenter et encore moins maudire, mais comprendre…

Tous ne s’agenouillent pas devant la Nécessité :

  • Platon suggère qu’il existe autre chose que ce qui s’offre à l’observation dans l’expérience ordinaire
  • Socrate parlait de son daimon, de sa voix intérieure qui le conseillait (et la ciguë ne l’a pas fait taire)
  • Les amis de Job tiennent des discours éloquents, mais Job n’accepte pas ce que lui disent ces “consolateurs pénibles” – et Dieu lui donne raison
  • Abraham marchande avec l’Eternel pour éviter la destruction de Sodome et Gomorrhe
  • Gédéon réclame des signes pour s’assurer que c’est vraiment Dieu qui l’appelle à sauver le peuple

La nécessité et les lois, la vénération du fait nous transforme en pierres et en statues de sel

Les deux arbres en Eden comme critique de la connaissance bien plus radicale que celle de Kant.

Il faut tout oser.

Aller à FSE 17-1 / FSE 17-3