Les nouvelles de la guerre en Ukraine ont immédiatement succédé au soulagement qui a suivi la levée des restrictions sanitaires mises en place en raison de l’épidémie de Covid-19 — qui paraissent bien légères en comparaison de ce qui se déroule jour après jour depuis le 24 février : les millions de réfugiés fuyant les villes ravagées par les bombardements, ces hommes et ces femmes qui résistent contre toute logique à la puissance de l’armée russe, avec un courage qui suscite l’admiration, alors que, pour notre part et à notre honte, nous en sommes à craindre la hausse du prix de l’essence et l’éventuelle indisponibilité de tel ou tel produit, en essayant de ne pas penser trop fort aux développements immenses que pourrait prendre ce conflit.
Comment, dans ces conditions, continuer comme si de rien n’était, comment savoir quoi faire ou ne pas faire? Pour ma part, je n’ai jamais cru que la chute du Mur de Berlin, cet événement inespéré, ouvrait une période de paix plus ou moins perpétuelle, mais ça me fait mal d’avoir raison. Qui sait au-devant de quels bouleversements, de quels périls nous allons ? J’essaie de me rassurer avec cette parole de Claudel : « Le pire n’est pas toujours sûr », mais ça marche moyennement. Mieux vaut prier.
Des réfugiés par millions, des séparations, des morts, du malheur, des souffrances, du désespoir. Voilà les fruits de la guerre. S’y ajoutent, dans le désordre, des action héroïques, des poussées de haine, des élans de générosité envers les victimes, des crimes affreux. Et pourtant, il y a déjà des gagnants : les marchands d’armes et ceux qui calculent les bénéfices que l’inflation va leur permettre d’engranger.
La situation réintroduit du sérieux dans nos existences. Elle nous rappelle notre fragilité et notre mortalité. Elle s’ajoute à toutes les préoccupations liées à la dégradation de la planète. Ce monde qui part en vrille n’est pas celui que nous pensions léguer à nos enfants, et pourtant il est là. Plutôt que de passer du temps à désigner des coupables ou à nous auto-flageller, réveillons notre compassion et prenons nos responsabilités pour produire, là où nous sommes, de la dignité, de la justice et de l’amour. Tout ne sera pas fini au moment où nous mourrons. Je crois à la vie éternelle et j’ai la conviction que c’est ici-bas, maintenant, demain et tous les jours qui nous seront encore donnés, que se joue la manière dont nous la passerons.